Dans mes images, la matière visuelle est redéfinie, les objets sont décomposés pour être réassemblés selon des volumes et des plans complexes, redonnant une nouvelle conception de notre vision du monde.
Pablo Picasso changeait par son regard expressif, la perception des objets et l’espace qui nous entoure pour surprendre et interroger le spectateur.
À ma façon, je recompose notre perception du monde en une retranscription des informations ressenties dans un langage fait de matière visuelle.
Les vibrations ou les impressions que je ressens en certains lieux sublimes, sont capturées par le prisme (ou le pentaprisme) de mon appareil photographique pour prendre forme dans le champ de notre perception visuelle, tout comme les ondes lumineuses (cette matière informe de particules élémentaires) qui passent à travers le sténopé d’une boîte noire pour prendre forme à nos yeux par leur simple diffraction.
En quelque sorte, il s’agit de suggérer au lecteur de ressentir ce qui est, plus que de voir ce qui était.
A priori, la lecture ne semble pas directe mais au fur et à mesure que l’on découvre mes images, on trouve petit à petit les clés nécessaires à leur lisibilité et leur compréhension.
Dans une époque où l’on a besoin de comprendre tout immédiatement, où le temps rythme et ordonne nos émotions, l’intemporalité de mes photographies presse l’observateur à s’arrêter, à suspendre son temps, à faire abstraction de son quotidien pour pénétrer les multiples strates de mes images et libérer son subconscient.
Couleur ou noir&blanc ? That’s always the same question!
En dehors des avis personnels de chacun, la préférence pour la couleur ou pour le noir&blanc n’a pas vraiment d’importance ou plutôt, l’importance que l’auteur a eu d’en faire le choix.
Il n’y a donc pas à préférer la couleur du noir&blanc pour ce qui concerne la photo de quelqu’un d’autre. C’est l’auteur qui utilise ces variantes et ces effets comme une matière qui appuiera et portera son discours.
Cette question se pose toujours à l’auteur et jamais au lecteur puisque le lecteur attend précisément de l’auteur qu’il lui raconte quelque chose. Une histoire qui sera soit, en couleur soit, en noir&blanc.
Un auteur se retrouve toujours face à lui même et dans sa solitude. Tous les conseils qu’il demandera seront vains et aucune réponses ne saura l’éclairer, détenant en lui la solution.
Tout au mieux, les réponses apportées par les autres ne feront que le détourner de son chemin, au pire l’en écarteront.
Un dicton japonais : 本当に、大切なことは教えてくれない、自分で見つけるもの。 A vrai dire, la chose la plus importante, de personne tu ne l’apprendras. Par toi même trouve un sens à la vie.
Patrick Lowie m’a contacté et m’a dit : « racontez-moi votre rêve et je ferai votre portait onirique ».
C’est un honneur d’avoir un portrait croqué de la plume de l’écrivain. Je lui ai ainsi raconté mon rêve fantastique et mon rêve rêvé par Patrick Lowie est devenu une histoire très drôle et complètement rocambolesque.
Patrick Lowie dresse sur son site web Next (F9), des portraits oniriques de personnalités de tous horizons ; des rêveries littéraires pour le plaisir des pensées envolées.
« Next (F9) vous propose des portraits de personnalités connues ou inconnues, des poètes ou des vendeurs de boutons, des gauchos ou des gauchers. L’important est de rêver. »
Voici le rêve de Eric Petr, tel il a été raconté à Patrick Lowie …
« Je suis dans une salle de cinéma, l’univers est onirique et comme un cocon. J’ai soif. Je vais me désaltérer. J’emprunte à tâtons le chemin qui parcourt l’antre du cinéma. L’atmosphère a soudainement basculé dans une vérité crue. L’éclairage est devenu blafard et l’ambiance en contraste avec le siège douillet dans lequel je me trouvais il y a quelques instants. Mais je peux enfin satisfaire ma soif. Je me presse de revenir et lorsque je quitte la salle d’eau, au moment où j’ouvre la porte, je me retrouve brusquement face à l’immensité de l’univers. C’est un choc où tout défile en soi comme si les valeurs inculquées s’effondraient comme si toute connaissance était remise en question. Je suis là planté sur ce point liminaire prêt à sauter dans l’infini. Je sens une douce impulsion qui me fait lâcher prise et s’ensuit une impression vertigineuse de liberté qui m’envahit. Mon corps flotte dans l’espace. Je me réveille. »
Le portrait onirique de Eric Petr par Patrick Lowie
« Sur l’écran d’une salle de cinéma, des images en noir et blanc d’un film français de 1965, je reconnais Victor Lanoux, c’est La vieille dame indigne de René Allio. Un film d’auteur comme on disait à l’époque parsemé de chansons de Jean Ferrat. Le revoir aujourd’hui au Rio Tinto, ce cinéma désaffecté de l’Estaque, ancien quartier d’ouvriers à Marseille, me procure une nostalgie bénéfique pour les interstices de mes neurones. Pendant le générique de fin, je me rends compte ne pas être seul dans la salle, un homme est endormi au premier rang. Ce que je vais vous raconter maintenant est tout à fait extraordinaire, de l’ordre du fantastique, je veux dire que cela ne m’était jamais arrivé auparavant : le film était terminé mais l’appareil continuait à projeter une lumière blanche sur l’écran, on voyait la poussière au passage de celle-ci, je me suis donc imaginé que l’homme assis au premier rang était le projectionniste. Je me suis dirigé vers lui et j’ai essayé de le réveiller mais impossible. Il dormait profondément. La salle était devenue un cocon, une ambiance onirique s’y était installée, des nuages de fumée ou de la buée peut-être se propageait un peu partout sous les sièges.
En m’approchant encore, je remarquai que l’homme se passait la langue sur ses lèvres souriantes, il avait soif. Il se réveille, se lève, un appareil photographique à la main, il dit : j’ai soif et se dirige à tâtons vers l’écran, l’ombre de son corps faisant désormais office de personnage. La scène était particulièrement minimaliste et monochrome. L’ombre se retourne et me voit, se rapproche et me dit : qui êtes-vous ? Vous n’êtes pas de Marseille ? Je me suis présenté, sur un ton uniforme : Patrick Lowie, décripteur de rêves endémiques. Et vous ? L’éclairage est devenu blafard et l’ambiance en contraste avec le siège douillet dans lequel je me trouvais il y a quelques instants. Il me dit : je ne suis que l’ombre d’Eric Petr, il va revenir, il est parti se désaltérer. Allons le rejoindre ! L’atmosphère a soudainement basculé dans une vérité crue, on est dans l’écran, plaqués par la lampe du projecteur. Eric Petr, photographe de talent dont l’œuvre parle de nos relations à l’univers, se retourne et me dit : voilà, j’ai pu satisfaire ma soif. Quittons cette salle d’eau. Au moment d’ouvrir la porte de la pièce, on se retrouve brusquement face à l’immensité de l’univers. J’ai le vertige, lui pas. L’ombre a disparu. Nos corps flottent dans l’espace.
Nous nous sommes réveillés tous les deux dans le cinéma, je m’avance vers lui et lui demande si lui aussi avait vu l’univers. Il me répond doucement, hébété : c’était un choc où tout se défile en soi comme si les valeurs inculquées s’effondraient comme si toute connaissance était remise en question. J’étais là, planté sur un point liminaire prêt à sauter dans l’infini. Je sentais une douce impulsion qui me faisait lâcher prise et s’ensuivait une impression vertigineuse de liberté qui m’envahissait. Mon corps flottait dans l’espace.
Nous sommes sortis du Rio Tinto en pensant être sortis du rêve, de son épaisseur, j’essaie de saisir l’intemporel. Je laisse venir l’incertain. Je constate que nous sommes tous les deux habillés à l’identique : vestes de la couleur du bleu de chauffe avec le col Mao, étrange mais belle mode des années 1980. Nous observons les gens qui vont à l’usine à pied, ils nous saluent comme si nous étions ouvriers nous aussi. Pas de voitures par ici, rien que des hommes aux yeux en forme de pépites, un homme me parle, son visage brûlé par de l’acide chlorhydrique, il prétend habiter dans une des maisons de La Coloniale.
Les mains d’Eric Petr tremblent, l’appareil photo le démange, il guette le moment du vertige pictural, sans attendre le printemps, j’entends le son du déclenchement de son reflex argentique, souvenir d’enfant, le soleil aveugle tout le monde, les femmes sont chez elles, elles préparent le déjeuner, on ne mange pas à la gamelle ici. On passe sous une voûte de lauriers-roses puis on contourne un magnifique champ de coquelicots à la façon de Monet. Par la polychromie des lieux, j’avais compris qu’on était dans l’irréel. »
Qui est Eric Petr ?
Je suis un photographe français né en 1961 et je vis à Marseille. Très jeune, mes photographies, variations de lumière et de matière, parlent de notre relation à l’univers. Mes choix esthétiques se sont tout d’abord orientés vers des compositions minimalistes et des tirages monochromes. Pour autant, l’avènement du numérique au début des années 1990 a marqué pour moi, un moment de questionnement et d’interrogation. Une rupture avec la photographie s’imposait et cela me laissa le temps de reconsidérer ma relation à l’image et à l’appareil photographique. En 2003, le désir de créer à nouveau des photographies pour saisir l’intemporel, s’est tout à coup imposé à moi. Depuis 2013, je m’exprime en tant qu’artiste. C’est à partir de l’année 2016 que mes efforts ont commencé à être récompensés par des expositions et la réalisation d’un livre d’auteur aux éditions Corridor Eléphant.
Argentique ou numérique ? La question n’est toujours pas désuète.
Aujourd’hui, la qualité du numérique n’est plus vraiment remise en question. Comparée à celle du film argentique 24x36mm, en termes de définition, elle est sans doute au-delà. Je laisse néanmoins les nombreux détracteurs apporter leur regard technique et clairvoyant sur ce sujet toujours sensible.
Mais le clivage qui s’est créé à partir de cette course technologique effrénée, renvoie le photographe à une autre réflexion que celle de la simple technique. C’est celle du temps, le temps de l’observation. Le temps de photographier, le temps de ressentir les éléments qui nous entourent.
La photographie numérique dans sa perfection et son assistance démesurée n’a t-elle pas produit de l’image instinctive aux dépens d’un regard plus pertinent et plus sensible ? La photographie argentique ne semble pas avoir dit son dernier mot dans ce monde de consommation excessive d’images et, où le concept de l’œuvre d’art est mis à mal car, si le négatif existe en termes d’objet (d’art), qu’en est-il d’un RAW ?
A gauche : Nikon Df 135 mm f8 50iso Agrandissement 75% Image 2580 x 3870 px (cadrage identique au F3)
A droite : Nikon F3 135mm f8 Ilford Panf plus Agrandissement 60% Image 3337 x 5006 px (cadrage identique au Df)
RENDEZ-VOUS AUX JARDINS 16e Édition Nationale sur le thème « L’Europe des jardins » du 1er au 3 juin 2018
Rendez-vous aux Jardins est un évènement national impulsé par le Ministère de la Culture.
Organisée chaque année, en juin, par le ministère de la Culture et de la Communication, la manifestation nationale « Rendez-vous aux jardins »est mise en œuvre, dans chaque région, par les Directions régionales des affaires culturelles (DRAC). Elle à pour objectif de sensibiliser le public à l’intérêt de connaître, protéger, entretenir, restaurer les parcs et jardins et également à transmettre les savoir-faire.
mAtrix & Popii sont deux installations photographiques que j’ai la joie de présenter dans le cadre d’une exposition collective de #RdvJardins 2018 dans le Jardin Sauvage de Succa à Cabriès (13). Vous pourrez voir la présentation des travaux des autres artistes sur le site de l’artiste Succa. https://succa.odexpo.com/
Artistes présents au Jardin Sauvage …
Jean-Luc Lacroix Christian Manteau Myriam Rétif Sylvie Leeloo Eric Petr Martine Laissus Bernadette Perrin Nicole Brousse Succa Martine Piètre-Cambacédès
À propos de l’installation mAtrix et Popii au Jardin Sauvage
Entretien de Éric Petr par Pierre Léotard directeur éditorial de Corridor Éléphant
Corridor Éléphant : Comment êtes-vous arrivé à la photographie ? Éric Petr : Il faisait froid, il y avait de la neige, je m’en souviens comme si c’était hier, nous étions heureux et joyeux, il faisait chaud dans nos cœurs, nous étions devant la jolie maison de mes grands-parents, je me souviens encore de son sourire très communicatif, de ses grosses lunettes, de son intelligence exceptionnelle, nous étions tous les deux, il me montrait comment faire des photos avec une boîte noire, c’était magique, je venais d’arriver à Paris, j’avais la nostalgie de mon pays, l’odeur du romarin et des pins, les fragrances de l’humus grillé par le soleil me manquaient déjà, j’avais sept ans, c’était mon père.
Vous définissez-vous comme photographe ? Non, absolument pas.
Pourquoi le choix de ce média ? Quand je colle mon œil au viseur d’un appareil photographique, la magie s’opère. Tout à coup, le monde qui m’est révélé à travers la visée reflex de mon appareil, prend une dimension étrange, différente, insolite ; comme le regard d’un astronaute qui, depuis l’Espace, observe sa planète avec recul et beaucoup d’émotion. C’est probablement cet effet magique qui m’a toujours fasciné, avec ce média.
Pourquoi photographier la lumière ? La lumière est la matière qui recouvre mon pinceau et vient écrire une histoire sur le négatif. Je ne la photographie pas ; elle est l’essence même de mes images. La question serait plutôt : « Pourquoi cherchez-vous à voir ce que voit la lumière ? » Je vous répondrais alors : « Pour essayer de comprendre ce que l’on verrait si l’on transcendait la vitesse de la lumière » Un rêve ? Bien sûr !
Que donne à voir votre travail ? Quand vous regardez mon travail, il n’y a pas grand chose à voir mais beaucoup à ressentir. Ma photographie n’est pas celle de l’esprit mais celle de l’instinct, celle d’une énergie qui me traverse et s’accomplit.
Pourriez-vous nous expliquer votre démarche ? A-t-elle une philosophie ? Ma photographie est un dialogue entre le ciel et l’homme. Elle est une réflexion sur l’essence de la lumière. Elle est une variation sur les « relations d’incertitude » de Werner Heisenberg qui questionnent sur ce que la théorie de l’observation de l’univers imposerait certaines limites à notre perception du réel. Elle montre la fragilité et la beauté de la vie.
Diriez-vous de vos photographies qu’elles sont faciles d’approche ? À qui sont-elles destinées ? Ma photographie est facile à comprendre, si vous ne cherchez pas à la comprendre et que vous vous contentez de la ressentir. Partant de cette idée, je pense qu’elle est accessible à tous. Pourtant, je constate que l’on essaie souvent de chercher l’élément qui ramènera l’image à la réalité comme pour apporter une réponse à l’absence ou au vide. Ce regard sur ma photographie ne me dérange pas, bien au contraire, il me fait découvrir mes œuvres comme jamais je ne les ai pensées.
Qu’est-ce qu’un artiste ? La définition de l’artiste a beaucoup changé au fil de l’histoire de l’art, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Cette notion est aujourd’hui assez controversée et il existe beaucoup de points de vue différents. A mon sens, l’artiste exerce, consciemment ou inconsciemment, un regard critique sur la société contemporaine et sait en restituer l’écho par un message sublimé dont la lecture se fait au travers d’un médium dont il maîtrise la technique.
Pourriez-vous nous résumer votre parcours artistique ? La photographie a toujours été pour moi le refuge où je pouvais projeter ma pensée dans une forme libre. Au début, il s’agissait d’exprimer des formes insolites. Puis m’est venue plus tard l’idée que ces formes ne devaient plus être définies par le cadre ; elles devaient s’en échapper pour aller au-delà de cette contrainte. Aujourd’hui et depuis quelques années, ma forme cherche à exprimer l’indicible, non pas par des mots écrits d’une plume d’encre mais par des formes sculptées par la lumière.
Entretien publié dans mon livre de photographies « SPIRITUELLES ODYSSÉES » édité chez CORRIDOR ÉLÉPHANT en série limitée, numéroté et signé
Éric PETR [ a.m.o.u.r. ] abandon, mouvement, ouverture, univers, renaissance
« L’ a.m.o.u.r. est une onde qui traverse les galaxies et irradie notre subconscient. Avec cette série, j’ai voulu me rendre au cœur de cette vibration pour capter cette énergie formidable. »
36 photographies numériques faisant référence aux 36 visions de Jean dans l’Apocalypse ont été prises sur le vif en mode manuel sans utiliser la mise au point automatique et en contrôlant la vitesse et le temps de pause. Elles sont éditées sans retouches et imprimées par les propres soins du photographe sur des papiers d’art épais aux structures mates ou barytées. De l’expérimentation à la contemplation, du flou à la netteté, de l’éblouissement à l’obscurité, Eric Petr utilise les propriétés de l’accident pour en révéler l’éventail des possibles. La lumière et le temps sont la matière première de son œuvre qui traite du « ça a été » ; une suspension du moment comme l’analysait Roland Barthes. Une croyance spontanée attestant matériellement de phénomènes non physiques du temps passé à jamais disparu. Ce temps qui interroge la mort inévitable de toute chose et sa possible survivance fantomatique dans l’image. Il y a cette fascination pour la tension entre le visible et l’invisible, pour cette tentative d’exprimer ce que l’on ne voit pas et ce qui est indicible. L’artiste souhaite restituer l’énergie ressentie comme une matière visuelle tout en conservant la densité spectrale.
Ses travaux jouent sur l’apparition de l’image avec le pouvoir de suggérer plus que de montrer. Pressentiment, clairvoyance, dissolution, interprétation… Dans ce continuum de strates, il ne se laisse pas aveugler par les facilités d’un art contextuel. Le positionnement de sa démarche face à l’environnement est un outil de conditionnement et de circonstances. Ses photographies ont été réalisées pendant la procession de Noël 2017 à la Grotte de Sainte Marie-Madeleine, en pleine nuit, dans la montagne de la Sainte Baume. « Un point de croisements énergétiques où, depuis des millénaires les hommes ont édifié et pratiqué des choses très puissantes d’un point de vue symbolique. » Les émanations du lieu incarné sont autant de fragments autonomes à multiples vitesses. Chaque cliché propulse des éléments dissemblables, redoublant l’altérité de l’appartenance et venant questionner l’identité, le statut de l’événement et sa représentation. Statues de pierre, promeneurs, flambeaux… Des formes sculptées dans la lumière sont traversées par des lignes étincelantes et agitées. Ce sont des phénomènes imperceptibles à l’œil nu, des petits miracles en lévitation. « Ces ondes ont des fréquences qui échappent à notre spectre humain et terrestre. » Le cinétisme n’est pas une illusion d’optique. Eric Petr redonne à voir dans un autre espace, un autre temps. Le regardeur est projeté dans une dimension surnaturelle, hallucinatoire entre la reconnaissance et la désorientation sensorielle où ce qu’il voit et ce qu’il sait est remis en cause.
Tout repose sur l’investigation et la prise de vue qui s’installent dans la lenteur de l’observation, d’un repos. « Lorsque l’obturateur est ouvert, je m’abandonne dans le flux de lumière qui vient à moi (…) Photographier c’est pour moi une véritable méditation. » L’expérience s’appuie en introspection sur des facultés intimes de perception. Dans cette cavité profondément enfouie rien ne se perd, tout est en mouvement et se transforme chaleureusement. Malgré la température glaçante (-10°C) lors de la captation, des émanations de chaleur imperceptibles sont devenues sensibles invitant la force rayonnante à s’envelopper d’un rouge magnétique. « Cette tonalité est l’évocation de l’amour, ce lien fraternel d’hommes et de femmes qui se réunissent dans un élan commun spirituel. »
Eric Petr ouvre l’imaginaire en créant un espace catalyseur de nos croyances. La distance s’effile entre l’irréel et sa représentation. Les potentialités de convictions et d’errance se confrontent et demeurent capturées dans un absolu éphémère où la foi exclusive pour le tangible se laisse mettre à mal par le champ vibratoire de la lumière.
CANOLINE CRITIKS Les talents émergents de l’art contemporain
Pour cette première carte blanche, notre invité de la semaine, Pierre Léotard, fondateur des revues Corridor Éléphant et Niepcebook, nous présente le travail photographique de Éric Petr.
« Il y a des photographies hors temps, des photographies dont certains se demandent si elles le sont réellement. Des photographies que l’on pourrait difficilement dater autrement que par la technologie qui a permis de les réaliser. Il y a des photographies qui arrêtent le temps, en tirent le portait et reprennent leur route. Les photographies d’Éric Petr sont de celles-là. Et l’on se prend à admirer ce que le regard ne voit pas, à se perdre dans l’image et à y déceler la relativité de l’urgence.« Texte, Pierre Léotard
« Depuis que l’être humain a conscience de son historicité, il s’interroge sur l’essence du temps. Nous sommes « ici et maintenant » sur cette Terre. Nous voyons notre passé s’inscrire sur le registre de notre mémoire et notre devenir comme une histoire qui se dévoile au fil du temps et dont nous sommes l’unique protagoniste. Ce processus dépend d’une inconnue dont le nom serait « temps qui passe ». Mais ce « temps-qui-passe », peut-on le considérer comme un futur devenant indéfiniment présent ou un présent devenant à son tour passé, voire comme une machine à renouveler perpétuellement l’instant présent ? Mais alors que devient à son tour le passé et d’où vient aussi le futur ? Peut-on en déduire que le futur et le passé sont transmutables ? Emmanuel Kant appelle le temps et l’espace les deux quanta originaires de notre imagination. En effet, lorsque nous essayons de théoriser l’espace-temps, nous sommes confrontés aux apories du langage alors qu’avec l’imaginaire, ces notions peuvent être comprises instinctivement. L’image est la bible des « illettrés », tout comme l’imaginaire serait le thesaurus des mortels. La structure d’une image est fondamentalement atemporelle et lui permet d’évoquer les idées les plus abstraites sans qu’il y ait besoin de les aborder par le discours ou la mathématique. C’est précisément dans ce rapport à l’image et au temps que naît ma photographie, au confluent du temps et de la lumière. On peut y voir dans ses fils de lumière, la matière créatrice du monde, celle d’un monde quantique qui défie nos lois et notre temps, comme l’écriture d’une vibration subliminale.« Texte, Éric Petr